LE SITE Mégalithique D'ER LANNIC

Grand menhir de l'enceinte nord

Grand menhir de l'enceinte nord

 Avec ses 10km² de mer intérieure, le Golfe du Morbihan, parsemé de nombreuses îles, s’étend du goulet de Port-Navalo jusqu’au port de Vannes situé a 25 km. L’île d’Er Lannic jouxte le chenal principal qui relie ces deux ports et s’entoure de l’île de Gavrinis au Nord, de la pointe de Penber au Sud, de l’île de la jument à l’Est et de la pointe de l’île Longue à l’Ouest.

L’île d’Er Lannic (Petite Lande) s’étend sur un surface d’environ 80 ares et possède sur sa pente naturelle, orientée au sud-Est,  un ensemble mégalithique composé de deux enceintes mégalithiques aux trois-quarts immergé.

Témoin de la transgression marine post-glaciaire, le chenal situé entre Gavrinis et Er Lannic atteint des profondeurs de 28m, tandis qu’au Sud et au Sud-est de l’île, le niveau  marin ne dépasse pas les cinq mètres aux plus basses marées. La mer semble avoir commencé à pénétrer dans le Golfe dès le mésolithique, c'est-à-dire aux environs de -9000BC et -8000BC.

Les chenaux (rivières de Rennes et d’Auray) sont en eau vers -6000BC et -5000BC le niveau marin est sensiblement à -10m sous le niveau actuel. Dès -7000BC, le niveau marin a rapidement monté jusqu'à -4000BC avec des hautes mers identiques au plus basses actuelles. Le flux et le reflux de l’importante masse d’eau s’engouffrant dans le Golfe ont considérablement modifié le paysage géographique. L’île était donc reliée au continent lors de l’édification de l’ensemble mégalithique.

C’est en Août 1866 que G. de Closmadeuc découvre le site mégalithique d’Er Lannic. Il fit une rapide description de l’hémicycle Nord, «composé de 60 blocs formant un vaste cercle d’environ 62 m de diamètre», car ce n’est qu’en 1872 qu’il découvre, à la faveur d’une grande marée, à sa grande surprise, le second hémicycle totalement immergé. Il réalise un plan sommaire avec la certitude d’y avoir vu deux cercles tangents. Quatre à cinq menhirs étaient encore debouts à cette époque sur l’hémicycle Nord.

Il faut attendre l’année 1919 pour avoir une vision nouvelle de cet ensemble avec le relevé au théodolite de R.Merlet. Ce relevé est le seul document relativement réaliste du site avant la restauration de Z. Le Rouzic. Faute d’une longueur de cordeau suffisante les blocs immergés furent dessinés approximativement. Selon R.Merlet ce site ce formait de deux cercles tangents, l’emplacement éloigné de certains blocs ne pouvant qu’être dus au fait de leur glissement (courants et érosion du sol).

Bord nord ouest de l'enceinte nord Bord nord est de l'enceinte nord

Suite à la restauration du site par Z. Le Rouzic et Saint Just Péquart de 1923 à 1926, un relevé, très près de la réalité pour la partie terrestre mais plus qu’approximatif pour la partie immergée est réalisé. Cette restauration est accompagnée d’une fouille de l’hémicycle Nord, ainsi qu’un décapage dans le secteur Nord-Est de l’île. Beaucoup de coffres et de foyers sont mis au jour sur les zones de fouilles (foyers souvent construits avec des meules et des polissoirs arc-boutés), ainsi qu’une quantité impressionnante de mobilier archéologique dont près d’un millier de tessons et de poteries, des milliers de silex et plusieurs centaines de polissoirs, percuteurs, broyeurs, haches polies…

Depuis le restauration de Z. Le Rouzic, plus aucune étude n’est venue résoudre l’incertitude qui régnait sur le plan exact des deux enceintes (cercles tangents ou en «Fer à cheval» et glissement des menhirs immergés). A l’initiative d’une association spécialisée dans l’archéologie sous marine, sous la conduite d’Eric Le Gall, nous avons mis en œuvre en 1991 et 1992 un nettoyage ou plutôt un «désalguage» des laminaires, fucus et sargasses de l’enceinte immergée, ainsi qu’une reconnaissance topographique des blocs dispersés. Vu l’importance et l’indéniable intérêt du site, l’association de plongeurs et d’archéologues terrestres, spécialisés dans le mégalithisme régional, devenait indispensable ;d'une part pour effectuer un relevé topographique précis et d'autre part pour définir une problématique de recherche pour les années à venir. Le site a été rattaché en coordonnées Lambert II ainsi  qu'au NGF avec comme matériel un distance-mètre pour la partie terrestre et un théodolite classique et mires pour la partie immergée. La plupart des relevés sous-marin ont été effectués lors des étales de marée, par petits coefficients, pour éviter les forts courants (8 nœuds aux grandes marées). Les plongeurs ont travaillé en toute  sécurité avec l'avantage d'avoir une faible profondeur (- 1 m à - 3 m) qui ne nécessite pas l'usage de paliers de décompression. Une centaine d'heures de plongée a été nécessaire.

Examinons dans un premier temps la topographie des lieux. C'est sur une légère pente, qui s'étend du centre de l'îlot vers le Sud, que se situe l'ensemble mégalithique d'Er Lannic. Huit mètres séparent le menhir le plus élevé de l'enceinte Sud. Il faut cependant corriger quelque peu cette hauteur . En effet, l'eau en pénétrant dans le golfe a provoqué une forte érosion des parties meubles et une réduction de la hauteur du sol. Nous pouvons l'estimer à environ 0,80 à 1,00 m d'épaisseur.

A cela, il faut prévoir une hauteur d’enfouissement des menhirs bloqués par des calages. Cette hauteur semble comprise entre 0.50 m et 0.80 m à la lueur des pierres qui formaient les différents calages (encore en place dans certains endroits). Les plus basses mers actuelles correspondent vraisemblablement au sol néolithique (la mer, elle, à la même époque, se trouvant environ à le côte – 5.00 m des cartes marines). Tout ceci remis en place, nous arrivons à un ensemble assez cohérent et homogène. Le plan général nous dévoile deux structures en «Fer à cheval». Celle qui est située en partie sur l’île a une forme sub-quadrangulaire évasée, ouverte au Sud sur une largeur d’environ 50 m. La partie supérieure arrondie n’est pas franchement circulaire, on peur y noter un léger replat. La profondeur de cette enceinte est d’environ 52 m. Elle est orientée vers le Sud-est et son axe médian se superpose, à quelque chose près, avec l’axe du solstice d’hiver. Beaucoup de blocs ont disparu, l’extrémité Est de l’hémicycle est bien matérialisée, tandis que l’extrémité Ouest semble bien confuse. En effet c’est à cet endroit que s’effectue la jonction des 2 enceintes. L’amalgame des blocs nous laisse très perplexe quant à la terminaison de cette extrémité. L’imposant menhir A du haut de ses 4.40 m, hors sol, semble se situer dans l’axe du monument et être l’élément principal de cette enceinte Nord, sinon le point de départ de la construction. Tous les blocs debouts sont le résultat de la restauration de Z. Le Rouzic. Les menhirs ont une hauteur moyenne qui s’échelonne entre 1.80 m et 1.20 m. Seuls, sont largement au dessus du lot, ceux qui sont proches du plus grand: le menhir central A.

L'enceinte mégalithique nord d'Er Lannic.

Face à cette enceinte, un amas de blocs enchevêtrés, dont l’axe qui passe par le grand menhir A et le milieu de cet amas de dalles se dirige vers le solstice d’hiver, nous pose un problème de détermination. S’agit-il de menhirs entassés la après leur enlèvement de l’une ou de l’autre structure pour une autre utilisation ou les restes d’une enceinte ovoïde? Une liaison avec l‘intersection des deux enceintes dans un axe Est-ouest peut également être envisagée.

L’enceinte Sud a une forme circulaire plus réguliere avec un diamètre d’environ 60 m. Son ouverture est plein Est, c’est-à-dire au lever du soleil. Ses extrémités se terminent par deux imposants menhirs: le C (Carek er Goh) et le B (Le Grand Menhir Brisé; 8.20 m). Nous avons tenté d’effectuer une reconstitution de cette enceinte avec quelques restes de calages encore en place et la position de certains menhirs. Il manque beaucoup de blocs dans la partie Sud de cet hémicycle. Mis à part les blocs C et B, les menhirs ont une hauteur constante d’environ 4.00 m. Nous pouvons donc, tout de suite, remarquer deux détails intéressants en comparaison avec l’enceinte Nord. Nous avons des blocs plus grands et plus larges sur l’enceinte Sud avec, semble-t-il, des espaces plus réguliers entre les menhirs, alors que ceux de l’enceinte Nord sont accolés les uns aux autres. Ces observations peuvent plaider en faveur d’une différence chronologique dans la construction des 2 hémicycles. Le bloc K semble en place, sans doute dans le prolongement de l’extrémité Nord de l’enceinte Sud. Les dalles X, Y et Z forment un ensemble bien curieux et correspondent peut-être à un aménagement circulaire à la jonction des 2 enceintes.

    Nous avons également 2 menhirs situés bien à l’écart des 2 hémicycles. Le menhir D se trouvant au Nord-est de l’enceinte Nord à une hauteur de 3.00 m. Il est difficile d’affirmer si ce menhir est à son emplacement d’origine tout comme le menhir E très imposant avec ses 7.00 m de longueur. Si l’on tente d’agencer les blocs E, A et D, l’orientation qui en découle a du mal à s’articuler avec les deux hémicycle d’Er Lannic.

Nous avons comptabilisé sur l’ensemble du site 119 blocs dont environ 65 appartiennent à l’enceinte Nord et environ 30 à l’enceinte Sud.

Quatre types de roches ont pu être déterminés et se partagent entre les 2 hémicycles: le granite local composé d’une granulite grenue, 2 types de migmatites, (essentiellement rencontrées sur l’enceinte Nord et dont les lieux d’extraction existent aux abords de l’entrée du Golfe) et des blocs en orthogneiss, d’origine imprécise, avec une plus grande quantité sur l’enceinte sud. Les néolithiques n’ont donc pas hésité à transporter des blocs imposants sur une distance relativement importante, pouvant atteindre 3 à 4 km, et sur une topographie accidentée.

Quatre des menhirs relevés portent des gravures. Le menhir F, du plan général, porte une belle hache simple, tranchant vers le haut, gravée en creux, d’une longueur de 0.30 m. Le bloc G, aujourd’hui couché, porte une série de cupules. Le menhir H laisse apparaître 3 gravures en creux dont une hache simple du même type que la précédente mais plus allongée, ainsi que deux haches emmanchées plus stylisées. Quant au menhir J, il porte à mi-hauteur et sur le bord gauche, une gravure en creux d’une hauteur de 0.27 m composée de quatre traits verticaux et parallèles. Cette gravure semble beaucoup plus récente que les précédentes. Les 2 thèmes de haches rencontrés, sont de types assez courants dans l’art pariétal du mégalithisme du néolithique moyen Armoricain. Ces gravures semblent relativement anciennes et peuvent avoisiner les -3500BC, avec cependant toutes les réserves qui s’imposent.

La majorité des calages des blocs immergés ayant été repérés en place, la thèse des 2 cercles tangents est donc définitivement abandonnée. Toutefois, l’originalité des deux hémicycles en «Fer à cheval» tangents fait, de cet ensemble mégalithique, un site exceptionnel. Il faut précisé qu’aucune enceinte mégalithique dessinant un cercle parfait n’a été mis au jour sur la péninsule Armoricaine.

Trois type d’hémicycles semblent se dessiner: des enceintes en «Fer à cheval» circulaires ou en quadrilatères évasées Er Lannic à Arzon (56), Tosen Keler à Penevan (22), Kergonan à l’île aux Moines (56), des enceintes ovoïdes (alignement du Menec à Carnac (56)), Pen Ar Land à Ouessant (29) et des enceintes quadrilatères (Kersclescan à Carnac (56)). Il existe parfois, des grands menhirs aux extrémités des enceintes. Les orientations sont très variées mais souvent en relation avec le lever de soleil ou les solstices.

Il nous reste à évoquer les épineux problèmes de la fonction et de la datation de cet ensemble mégalithique. Il faut d’abord rappeler quelques résultats des fouilles de Z. Le Rouzic. Lors de la restauration, Z. Le Rouzic mis au jour une quantité importante de foyers et coffres, vraisemblablement rituels, associés à des poteries de belle qualité, dont les fameux « vases supports» et des poteries de type Castellic. Il dégagea également des centaines de silex, haches polies, broyeurs, percuteurs, meules et os incérés.

L’ensemble du matériel archéologique permet d’envisager une occupation du site vers -4000BC et d’estimer l’édification des 2 hémicycle vers -3500BC.

En l’absence d’une stratigraphie bien établie, le synchronisme entre l’enceinte Nord et le niveau foyers et coffres est loin d’être assuré (des traces d’habitations avec des trous de poteaux ont également été décrites).

L’enceinte Nord semble avoir été superposée à ces différents éléments.

S’agit-il d’un site d’habitat ? d’un site industriel? d’un sanctuaire? ou d’une nécropole? Sans doute un peu de tout cela, sans que l’on puisse, pour le moment, en donner une réelle définition. Des milliers d’éclats de silex et de nombreuses haches polies nous laissent suggérer une occupation de site par un atelier de taille et de façonnage de haches polies. Site donc «industriel» où la variété des roches utilisées nous invite à y voir des échanges importants. Nécropole? probablement; la multitude des coffres et foyers nous font penser à des inhumations par incinération, (P.R. Giot a même émis l’hypothèse d’un immense tertre tumulaire à coffre). La fonction de sanctuaire et de centre religieux des deux hémicycles nous semble indéniable. Ces espaces sacrés, liés à quelques relations astronomiques et peut être réservés à certains initiés garderons encore longtemps leur mystère.

ACCES AU SITE

L’îlot est une propriété privée et une réserve ornithologique, l’accès est donc très réglementé et nécessite l’autorisation du propriétaire et des autorités compétentes chargées de la protection du site!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!

MUSEES

Musée de la Préhistoire

10, Place de la Chapelle,

56340 CARNAC.

Musée de l’Archéologie du Morbihan,

2, rue Noé,

56000 VANNES.

REMERCIEMENTS

Le Ministère de la Culture.

Le Conseil général du Morbihan.

Les municipalités de Vannes et d’Arzon.

Le DRASSM (Département des Recherches Archéologiques Subaquatiques et Sous-marines).

La Direction Régional des Affaire Culturelles.

Le Laboratoire d’Anthropologie de Rennes I CNRS – UMR 6566.

La fédération Française d’Etudes et de Sports Sous-marin.

Le Musée de la Préhistoire de Carnac.

La société Polymathique du Morbihan.

La SEPN (Société pour l’Etude et la Protection de la Nature en Bretagne).

Le SAGEMOR (Société d’Aménagement et de Gestion du Morbihan).

Le Groupe d’Etudes de Recherches Subaquatiques du Morbihan.

Le Groupe d’ Etudes et de Découvertes Archéologiques et Historiques Maritimes en Bretagne Sud

Mr. D’Aboville, Propriétaire de l’île d’Er Lannic.

Mr Dennis Konnert et l’Aquarium de Vannes.

Mrs Jean L’Helgouach, Serge Cassen, Pierre-Yves Mahieux, Jean-René Jannot, André Lorin et Bruno Jonin pour leur précieuse collaboration.

Mr André Lamourec, pour la réalisation de la maquette du site.

Le Crédit Agricole du Morbihan.